Table des Matières

L’écrivain appuyé sur sa table, effectue son labeur. C’est une nécessité. L’écriture est inhérente à sa personne.

Il déverse sa matière, sa pensée, son fil ; il laisse couler l’encre ; les mots se forment, les phrases s’écrivent, s’enchaînent. Comme un métier à tisser une étoffe ?

La matière, la table, l’enchaînement, n’amènent-ils pas aussi, peut-être, pourquoi pas, à l’idée de la table des matières ?

Ce lieu se livre à ceux qui y passent, mais sous un autre angle de vue, il y a le livre qui se délivre, se délie, se déplie, se déboucle.

Ce livre, invitation au recueillement, au voyage, à la réflexion.

Ce livre de plusieurs livres, en apesanteur, dont :

  • le lecteur ne peut toucher les feuilles, n’égrène pas les pages,
  • les pages se défilent de ses mains, tel du sable.
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Les carrelages et pots de fleur de Jean-Pierre Raynaud

J’ai découvert l’oeuvre de JP Raynaud à la fin des années 70. Comment ne pas être étonnée par ses pots de fleurs et ces murs de carrelage carré (15×15)  tout blanc.

Comment avec si peu de matière, si peu de mots, son monde existait-il ? Comment exprimer des pensées, des idées, à travers si peu de vocabulaire. Car ces oeuvres, comme toute création, se lisent.

J’avais suivi l’envol de Jean-Pierre RAYNAUD très tôt, encore enfant, grâce à une revue, arrivée par REINHOUD à la maison. C’est lui qui m’avait abonnée à cette revue, car cet artiste voyait bien que je m’intéressais, vraiment, à ce qui arrivait, cette effervescence. Il m’avait offert une échappée, comme une clairière. C’est sur cette terre que mon monde à moi avait grandi.

J’avais eu cette chance de rencontrer, de découvrir Jean-Pierre RAYNAUD, avant qu’il ne soit « connu ».
Son oeuvre, ces « installations » de pots de fleur, étaient événements, même si c’est davantage son « minimalisme » et son abstraction qui avaient attiré mon attention.

Je le pensais proche de la folie, tant son oeuvre était empreinte de radicalité, d’absence de concession. Ce monde était froid, glacial. Ce monde ressemblait au mien : ce monde était une prison.

Plus tard, j’avais été emballée par son pot de fleur en 1985 à la fondation CARTIER.

Mais, plus que ses pots, -car JP RAYNAUD est connu pour ces pots de fleur et ce carrelage-, ce qui m’avait arrêtée, était la transformation de cette maison, au fur et à mesure de sa construction. L’artiste se refermait sur lui, obturait tout. Les larges fenêtres étaient devenues meurtrières, l’artiste vivait avec comme animal de compagnie, une chauve souris, qu’il a fait empailler pour la rendre silencieuse. Se retranchait-il dans une citadelle ou se condamnait-il à de la prison ?

Cette maison a évolué au fil des ans, des murs ont été abattus, pour faire place à des fenêtres qui pouvaient enfin inonder les pièces de lumière. Elle a été ouvert au grand public. Puis, finalement,  l’artiste sorti de son repliement, a fait détruire sa maison. 1000 containers contenant les débris de cette maison, ont été exposés. C’était la fin d’une période.

Il avait fait également des pierres tombales. Son univers n’était pas noir, non blanc comme la mort, un cadavre, « blanc hôpital » ai-je déjà dit.

Que se passe-t-il dans la tête d’un artiste dans ces moments de repli, de remise en cause. Serait-ce pour se métamorphoser ? oui, l’artiste vit dans ce devenir.  Il lui faut avancer, toujours avancer, écrire ou créer, se répéter, se renouveler, en variant d’un petit pas. Tout cela participe pour moi de la démarche créatrice. Avec le recul, on voit l’unité de l’oeuvre, sa cohérence, sa colonne vertébrale solide comme un roc. La vie d’un artiste n’est que construction.

J’aimais voir son pot de fleur géant au pied de Beaubourg. En allant voir l’exposition Soulages, je l’avais cherché partout : où était-il passé ?

J’ai perdu de vue l’oeuvre de Jean-Pierre Raynaud, pendant plusieurs années. A quoi bon s’intéresser à quelqu’un de connu. Ce qui me fait plaisir est de découvrir, avant les autres, est d’avoir raison, avant tout le monde. La masse, la foule, la reconnaissance par les autres tuent mon intérêt, mon désir.

Je suis tombée ce matin par hasard sur son site web.

Je suis ravie de voir que son monde a abandonné une partie de son caractère blanc, « blanc hôpital ». Même s’il a gardé sa rigueur, et cela est formidable, il a évolué vers la couleur, la chaleur, signes que l’artiste est enfin apaisé avec lui-même.

J’ai adoré cette image de ce pot de fleur doré au milieu de la cité interdite, avec l’auteur. Il se dégage énormément de sérénité, de calme, d’apaisement, voire de poésie

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