Le Bagad de Lann-Bihoué

Mercredi 12 juillet, 4h.

Non je ne rêvais pas. Pour une fois ce n’était pas mon chat qui me réveillait mais le son, ou plutôt la résonance, d’une musique militaire. Les troupes avaient envahi les champs Elysées jusqu’à la place de la Concorde. Elles répétaient.

Tambours, clairons, trompettes se répandaient dans mon monde. Toute la journée, j’eus cet air qui trottait dans ma tête.

Jeudi matin, la Marseillaise me réveilla à 3 h, puis je reconnus les chants des légionnaires que j’imaginais marcher à pas lents. Je regardais le jour se lever, ce bleu nuit s’éclaircir doucement. La musique rompait le silence.

Enfin, vendredi, les cornemuses du Bagad de Lann-Bihoué m’ont sortie des bras de Morphée. Un mal de tête lancinant s’est installé en moi, à force de mélanger tous ces airs. Impossible de trouver le silence. Les bataillons de musique me hantent toute la journée. Je m’arme d’Aspirine, de Panadol, de Doliprane. Rien n’y fait. Les répétitions, et variations, le rythme endiablé des musiques militaires s’accrochent à moi, défilent dans ma tête.

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Telle une enfant, le défilé aérien du 14 Juillet me fait rêver. J’ai la chance d’être à la meilleure des places. Vendredi soir, comme avant programme, la Patrouille de France surgit de l’est et non depuis l’ouest, puis semble faire le tour de Paris.

Mes chats sont terrorisées samedi matin. Je guette à 10H30 les traces Bleu, Blanc Rouge. Oui, les voilà. Les neuf chasseurs, forment un accent circonflexe parfait, passent au dessus de l’Arc de Triomphe en fendant l’air.

Un peu plus tard, je vois des fumées jaunes sortir d’un bimoteur ! Ils étaient trois avions, mais celui du milieu volait à l’envers, provoquant ce panache de fumée.

Enfin, j’ai cru un instant qu’un parachutiste allait se poser sur les toits d’en face. Mais le vent, soufflant en bourrasques irrégulières, a semblé en décider autrement.

Alors que je contemplais le spectacle, de visu, et pas seulement puisque le bruit et la musique militaire étaient omniprésents, Annie, professeur de Mathématiques, en proche banlieue sud, était installée devant son poste de Télévision. Elle était fière de regarder défiler trois de ses anciens élèves ayant intégré l’école Polytechnique. Major ! Et oui, l’un d’entre eux était major de sa promo et avait l’honneur de porter le drapeau !

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Dimanche prochain, tout le monde aura quitté Paris. Je serai seule pour affronter ce jour sinistre, mon anniversaire. Je ne sais pourquoi, j’ai choisi de faire un saut, non en parachute, mais en train au bord de la mer, en Bretagne, en honneur au Bagad de Lann-Bihoué. 

J’irais inventer une Histoire, à la rencontre d’un H, qui sera tout sauf un homme.

Pauline et Sylvia, à l’autre bout du fil, ravies de la nouvelle, déploient avec moi leur imagination : Haribo, H2O, Histoire d’amour, Habit Rouge, Hô sauvage, Hibis, Hôtel Ibis, Hymne à la joie, Huit et demi !

Un vote a lieu :

Huit et demi et Hô sauvage se démarquent d’Habit rouge.

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En traversant la Seine d’ici six mois, en allant me poser dans ma dernière demeure, perchée au plus haut du Vieux Colombier, je retrouverai l’esprit de Marcel Proust. En passant du 9 au 8, à l’infini, dans un certain sens, Malaparte ne sera pas loin.

Je serai seule, je tournerai définitivement la dernière page de ma vie, vers davantage de spiritualité. Cette dernière page est blanche, silencieuse comme la neige. J’ai plein d’encre en moi. Le noir fait exister la lumière. Ce nouveau territoire sera idéal pour écrire. N’est-ce pas pour cela que je l’ai choisi ?

Ce voyage en août à Bcharre m’en ouvrira les portes.

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