Passerelle – (1)

Du jour au lendemain, j’allais quitter 2010 et j’entrerais dans une nouvelle année, une nouvelle ère, en empruntant ma passerelle, mon passage. Je n’aime pas les bornes du temps.

Les passerelles tombaient parfois. Ma passerelle était faite d’un fil solide mais fin. Il ne fallait pas que je me retourne. Il fallait que je ne baisse pas la tête. il fallait que je regarde devant moi. J’étais en équilibre au dessus du vide.

Il fallait jeter ce passé dans le container à ordures, que j’avais vu au Palais de Tokyo, à l’exposition “FRESH HELL” :

Il fallait y jeter le passé, les mauvais, comme les bons souvenirs, pour démarrer l’année d’un pas, libéré du poids du passé.

Cette passerelle que j’avais saisie, au vol, en passant, n’avait aucune direction, aucun signe. C’était d’autant mieux. Je ne savais pas où j’allais, où j’irais.

J’étais dans ma solitude, repliée sur moi même, dans mon monde. Je n’étais pas pour autant refermée sur moi même ; je me protégeais juste de l’extérieur !

Il faudrait juste que je ne paraisse pas trop givrée, fêlée, toquée, pour avancer, dans le bon sens et non pas à rebours. Pouvait-on d’ailleurs choisir de ne plus avancer ? oui, sûrement, en stoppant net sa vie, en saisissant une lame de rasoir, un objet tranchant et en se lacérant les veines : poignets, ou gorge ?

Non, je n’avais pas cela en tête, mais l’entrain n’était pas de mise. Il fallait que je me resaisisse, que je me projette, avec optimisme. L’optimisme, entraîne l’optimisme. Il fallait gagner en momentum et ne pas rester immobile.

Que ce 31 Décembre et ce 1er Janvier passent vite, et laissent la place au jour suivant, à l’ouverture.

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carte blanche – (1)

J’avais retrouvé en cherchant un livre, dans la chambre de bonne, dans une petite boîte en carton, un paquet de petites cartes blanches avec leurs enveloppes. Le temps ne les avait pas jaunies. Elles étaient de petit format, à peine plus grandes qu’une carte de visite.

Elles avaient la texture d’une feuille légèrement cartonnée, comme une carte de visite.

Je les utilisais très rarement, pour des événements où le mail, le courrier, le pli électronique, était déplacé, selon mon échelle de valeurs.

Donc je les utilisais pour les décès, mariages, naissances. Voilà, c’était tout.

Je parle d’échelles de valeurs, car j’avais été surprise, voire plus, choquée de recevoir de la part d’Isabelle et Jacques, leur faire-part de mariage et le faire-part de naissance de leur fils -affublé du prénom ” Caséis” -, par courrier électronique.

De surcroît, ils n’avaient fait qu’un seul mail puisque les deux annonces, événements arrivaient quasiment en même temps; ils n’avaient pas manqué d’indiquer leur adresse postale à Barcelone, pour que des présents leur arrivent : une liste de mariage et une liste de naissance étaient en pièce jointe du mail.

Je trouvais cela déplacé, d’autant plus déplacé qu’ils étaient privilégiés, travaillant tous les deux dans un cabinet d’avocats prestigieux.

J’avais pris le soin de choisir le plus joli timbre, et de leur envoyer un courrier “physique”, “matériel” et non virtuel.

J’avais écrit leur adresse sur l’enveloppe, et la mienne au verso.

J’avais inséré une carte blanche, toute lisse, sans mettre un seul mot, la laissant vierge, une oeuvre d’art à part entière, un monde silencieux, qui en disait long, plus long que des mots.

Mon déplaisir se lirait dans ce silence, sur cette surface blanche, vide.

Je n’attendais que du silence.

Ils n’avaient rien à faire dans mon monde.

Ils étaient bannis de mon monde.

Je les avais déjà oubliés.

J’avais fait table rase de leurs personnes.

Ils n’étaient plus qu’un mauvais souvenir, temporaire, avant de sombrer dans un oubli définitif, une fois que j’aurais glissé l’enveloppe dans la boîte aux lettres.